Manuela  Parra 
Présidente de l’association Voix de l'Extrême Poésie et Culture

OUVERTURE DU COLLOQUE 
le 3 décembre 2021 salle Pétrarque

Deuxièmes rencontres franco-espagnoles à Montpellier
"Femmes espagnoles en résistance, femmes libres et engagées en France" 



 Manuela  Parra Présidente de l’association Voix de l'Extrême Poésie et Culture Photo Elisabeth VItielli 

Extrait de l'ouverture  du colloque à la salle Pétrarque  le 3 décembre à Montpellier "

"C’est avec beaucoup d’émotion que j’ouvre ce colloque dédié aux femmes espagnoles en résistance, à ces femmes libres et engagées en France, colloque qui s’inscrit dans le cadre des deuxièmes rencontres franco-espagnoles. 

 Elles ont débuté mardi au lycée Jules Guesde en présence de plus de 150 lycéennes et lycéens, puis nous sommes allés à la rencontre des étudiantes et étudiants et du public à l’Université Paul Valéry jeudi et le soir, à la salle Pétrarque devant un public nombreux, nous avons partagé un récital de poésie musique chant et danse donné par les poètes et poétesses de tout horizon, français et espagnol. Tous animés par l’envie de mettre la poésie au service du bien commun pour dénoncer l’inconcevable, pour promouvoir les valeurs de liberté et d’humanité léguées par des hommes et des femmes en lutte et que nous voulons mettre en lumière afin également de réinterroger notre présent.  

 Au vu du nombre de personnes, hommes, femmes, jeunes présents jusqu’à aujourd’hui, il est rassurant de constater combien ces valeurs de liberté et d’humanité, que l’on pourrait croire atténuées, mobilisent encore fortement, surtout dans ces périodes troubles où certains qui font la une des journaux hélas, ont de terribles prétentions et notamment à l’égard des femmes.

 Mais revenons à nos femmes espagnoles en résistance, sujet qui nous occupe et qui nous réunit.

A leur arrivée en France en 1939, les femmes espagnoles, républicaines ou révolutionnaires ont connu les conditions difficiles de l’exil dans des refuges, dans des camps où malgré la peur, le froid, l’humiliation, la menace elles n’ont pas hésité à manifester derrière des barbelés pour exiger des droits fondamentaux.

 A la sortie de ces camps, bien qu’installées précairement dans notre Région, certaines ont poursuivi leur lutte contre le fascisme en intégrant pendant la deuxième guerre mondiale la Résistance française, combat contre le fascisme qu’elles avaient mené auparavant armes à la main pour combattre sur le front l’armée rebelle de Franco durant la guerre d’Espagne. 

Bon nombre d’entre elles ont été déportées et ont connu l’horreur des camps nazis, du terrible camp de Ravensbrück. Beaucoup y sont mortes dans d’atroces souffrances, punies pour avoir saboté des machines dans des usines d’armement où on les obligeait à travailler. D’autres sont revenues et elles ont témoigné.

« Ce que j’ai vécu, ce que j’ai souffert, je l’ai cherché. De quoi pourrais-je me plaindre ? d’avoir été fidèle à moi-même ? d’avoir embrassé la cause des opprimés, d’avoir défendu la République en Espagne ? je ne me plains pas. J’ai été et je serai toujours du côté de ceux qui désirent ardemment Justice et Liberté » 

Ces quelques mots de Neu Catala pourraient être ceux de bien d’autres femmes espagnoles engagées dont nous allons parler durant cette soirée et demain toute la journée...

Après la guerre, ces femmes ont poursuivi leur engagement en France. On les retrouve militantes dans des mouvements d’éducation populaire, dans des associations d’aide aux exilés espagnols, dans la lutte contre le dictateur Franco depuis la France, dans le planning familial, dans des actions d’émancipation des femmes….

Émancipation, nécessité dont elles prirent conscience dès les années 1930 en Espagne et qu’elles développeront à travers d’organisation comme celle des « Mujeres Libres » en 1936 à Madrid.

 Leur projet qu’elles décrivent ainsi dans leur revue était de

·        libérer la femme de l’ignorance,

·        libérer la femme de l’esclavage,

·        libérer la travailleuse de l’esclavage …

Elles revendiquaient la volonté « de vivre ensemble », hommes et femmes « sans s’exclure » en rassemblant les énergies dans un projet commun « pour construire la cité du futur ». 

 Cependant, malgré leur vision novatrice du monde, malgré leur engagement majeur en Espagne puis en France, malgré les témoignages modestes et vibrants qu’elles ont pu livrer sur une époque terrible où seuls les mouvements collectifs permettaient de lutter contre l’obscurantisme, ces femmes engagées sont des OUBLIÉES DE L’HISTOIRE et pourtant elles ont forgé la nôtre.

 C’est pourquoi, notre association Voix de l’extrême poésie et culture vous a proposé d’organiser ces rencontres afin de leur rendre un hommage collectif associant poésie et mémoire. Ensemble nous avons uni nos énergies pour leur rendre ce vibrant hommage.

Un hommage, comme elles l’auraient certainement apprécié, bâti sur la connaissance, la transmission, l’éducation, la culture et l’action collective. Nous l’espérons à la hauteur du patrimoine qu’elles nous ont légué.

Un patrimoine certes fragile, un chemin difficile, jalonné de luttes, de combats remportés mais aussi d’espoirs déçus, de causes oubliées ou détournées. Un patrimoine qui nous permet de réinterroger notre présent.  

 Hélas, le constat est affligeant car malgré l’accroissement de nos richesses, la modernité, le développement des connaissances historiques scientifiques, culturelles et pédagogiques, la journée de la femme et l’accumulation des années, l’inégalités économiques et sociales touchent encore et toujours prioritairement les femmes souvent victimes d’une exploitation abusive, de la précarité, de la violence, et de l’oppression comme en témoigne les féminicides, le sort de Loujain Al Hathloul[1] ou bien celui terrible des femmes afghanes que des dictatures privent de liberté et du droit à la connaissance.

 Aussi, nous devons réaffirmer le patrimoine que les femmes espagnoles en résistance, femmes libres et engagées nous ont livré.  Parce qu’au-delà de l’émancipation des femmes, il s’agit de valeurs d’égalité, de solidarité, de liberté qui éclaire encore et toujours le long chemin à parcourir vers une cité idéale d’hommes et de femmes vivant dans le respect d’un « humanisme intégral » cher à Léopold Lacour, qu’elles ont tant voulu concrétiser collectivement et qu’il nous appartient d’édifier et de protéger.

 Alors, à notre tour, suivons leur l’exemple et soyons les passeurs et passeuses de mémoire du patrimoine humain que nous voulons, forgé de valeurs d’égalité, de solidarité, de fraternité, soyons les acteurs et les actrices de la transformation sociale par nos actes, notre engagement (le nôtre est poétique et historique), un patrimoine qui n’a pas de frontière puisqu’on le porte avec soi.

  Manuela  Parra

Présidente de l’association



[1]Loujain Al Hathloul, militante des droits de la femme en Arabie Saoudite, a été incarcérée en 2018 avec deux autres militantes pour avoir osé conduire un véhicule en Arabie Saoudite.

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