POÉSIE ET MÉMOIRE
Le temps de l'exil... toujours l'exil
Fille de rouge sur les traces de
l’exil.
Manuela Parra
« Je
suis née de hasard parce que l’œil du cyclope Franco n’a pas pu être énucléé.
Fille de républicain espagnol, fille de Rouge, une couleur agitée en muleta par le dictateur Franco pour faire peur. Mon père Juan Antonio Parra Baeza, capitaine dans l’armée républicaine, avait le choix de défendre la République espagnole sortie des urnes en avril 1931.
A sa mort, j’ai reçu un héritage étrange : ma mère me remit des feuilles d’un carnet jaunis par le temps. C’était des poèmes écrits d’une belle écriture. Elle me dit : « ton père les avait écrits dans les camps».
Je
ne connaissais rien de de ces camps, ni d’ailleurs de ces poèmes…L’âge venant
j’ai eu envie de percer ces mystères et j’ai entrepris un périple difficile
pour découvrir les beaux recoins, de mon histoire que mon père, ce taiseux, m’avait
dérobés.
Dans quelques cartons cachés, j’ai découvert des témoignages écrits, des documents historiques, des photos révélant une jeunesse éclatante, fière bien qu’emprisonnée derrière des barbelés.
Peu à peu, j’ai rebroussé le chemin de l’exil emprunté par mon père, par ces Rouges trahis, abandonnés, livrés au mépris.
J’ai
écrit, j’ai gravé, j’ai parcouru l’Europe, la France et l’Espagne pour
transmettre à mon tour mon héritage, notre histoire »
L’exil n’est jamais consenti, c’est une douleur, elle colle à la peau ..
quelques poèmes pour le rappeler
Cerbère
De ce côté de la frontière
Les loups
hurlaient
La mort nous
attendait
De l’autre côté de la frontière
Réfugier
notre liberté
Un espoir,
la solidarité
Des deux côtés de la frontière
Nous étions
mal aimés
Apatrides
sur un fil
Rejetés à la mer
Par- delà
les montagnes
Quelques mains tendues
Pour prendre
ou pour donner
La
souffrance de l’exil
Les blessures
accumulées
La peur, le
froid
LA RETIRADA LA FRONTIERE
Dans les derniers jours de janvier 1939 et jusqu’au 9 février, 500 000 espagnols, républicains hommes, femmes, enfants marchent sur le sol gelé, nuits et jours, dans le froid, dans la neige, sous les bombes fascistes. Ils espèrent rejoindre la France par la montagne, par les routes, les chemins. Ils savent que les hordes fascistes sont prêtes à massacrer hommes, femmes, enfants comme en Andalousie, … à Moguer, à Séville…Guillena à Badajoz.
Ils attendent derrière
les barrières des frontières sous les regards méprisants, hostiles, sous les
coups parfois.
50 000 soldats républicains.
Cinquante mille gendarmes soldats les accueillent en « indésirables ». ces défenseurs d’une république sont fouillés, dépouillés, bousculés, triés, délestés des quelques biens qu’ils avaient pu emporter dans leur fuite dès la défaite de la bataille de l’Èbre le 16 novembre et la chute de Barcelone en janvier 1939. Les gendarmes les incitent même à retourner en Espagne où on sait qu’ils seront fusillés
La propagande de Franco avait été efficace :il les décrit comme des Rouges, mangeurs d’enfants, voleurs sanguinaires...voilà ce qu’il dira pour faire peur ! Certains soldats traversent les villages sous le bruit des volets qui claquent à leur passage… On s’étonne parfois, « ce sont des hommes, ce ne sont pas des diables, diront des enfants des villageois……
500 000 drames, destins détournés, des familles tiraillées, des hommes et femmes séparées. Avec leurs enfants, on les entasse dans des trains vers des destinations inconnues. Certains mettront plusieurs années à se retrouver.
Passer le trait
Un pas
Engager le
corps
Enjamber la
ligne
Fil tendu,
mystères
Espoir ou
horizon noir
Vaincre le
froid
Tout tenter
pour ressusciter
Aux abois,
je marche avec peine
Le poids
d’une vie abandonnée qu’il faut nier
Celle
espérée sera-t-elle plus légère ?
J’ai peur
L’ombre
froide apparaît
Les chiens,
les cris, les ordres
Langue
obscure, regards échangés
Mutisme du
cœur, méfiances étrangères
Il vise, il
tire, il me transperce
Je bois le
bruissement des feuilles
Mes
paupières alourdies s’apaisent et je meurs
LES CAMPS
Les hommes sont conduits encadrés par les gardes mobiles vers un seul refuge : une plage déserte, Argelès. Les espagnols seront obligés de poser les barbelés qui vont les enfermer.
Les gardes
mobiles armés surveillent ces civils, militaires, ouvriers,
paysans, intellectuels, artistes.
Il fait
froid. Ils creusent avec leurs mains des trous dans le sable où ils se réfugient.
Il y a les chanceux avec leur manta qui les protège…
Il y a les
malchanceux qui meurent de froid, de dysenterie, de désespoir, « l’Arenitis »,
la maladie du sable. Il y eu beaucoup de morts 15 000 dit-on.
Et j’ai envie de pleurer, pleurer,
Afin de sécher l’encre avec laquelle
j’écris
Parce que je vais pleurer du sable »
Il y a ceux disposés à ne pas mourir.
« Nous étions capables d’imaginer toutes les astuces, en trois
jours, nous avons déjoué la surveillance des Sénégalais, des Maures et des
gendarmes, nous avons sauté par-dessus les barbelés pour mettre en pièces les
autos et les camions de l’armée républicaine, amoncelés dans un cimetière de
voitures voisin du camp, ainsi avec les morceaux récupérés, nous avons
construit des abris dans lesquels nous vivions en collectivité ». Resistance
jusqu’au bout.
Ces républicains
espagnols, ces indésirables, ces rouges tel que Franco les appelait quel que
soit leur appartenance politique, un surnom qui restera en France,
Ces
républicains abandonnés trahis, ont souffert dans les camps en France.
Rouge
Rouge vif
Rouge à vif
Rouge à vie
Pain jeté
Pain mangé
Pain gagné
Barbelés
Piquets
Genoux ployés
Genoux
blessés
No
pasarán !
Ils sont
passés
Nous avons
été abandonnés
Nous sommes
enfermés.
Dans les camps, ils seront surveillés. Ceux qui s’échapperont seront ramenés par la gardes mobiles. Ils connaitront l’« Hipodromo ». Ils seront attachés, parfois nus, à des piquets durant plusieurs jours ou seront obligés de tourner entre des rangées de barbelés jusqu’à l’épuisement. Voilà le sort des combattants de la république.
Il y a eu des élans de solidarité d’artistes
français, de partis politiques français, du secours populaire, de la croix
rouge, d’individus humanistes envers ces espagnols meurtris abandonnés et
reniés.
Cette terrible histoire : notre
mémoire, votre mémoire…. Hélas une histoire sans fin…
SOL
Y ARENA
Fracas
Le gong de la soif tord le bidon
Assommé de
chaleur, inondé de poussière, j’attends
Que le
cercle maléfique m’assène les coups de ses assauts
J’entre en
résistance, me prépare au combat
Lutte corps
à corps
« Attente
dans le camp CONTRE Soleil brûlant »
Capte les
derniers sursauts de mon ardeur
Ses rayons
de pierre me lapident avec rage
Je sombre,
abandonnant au néant le rêve de bonheur
Ses ondes de
fraîcheur me submergent
Je reviens à
la vie
Je respire
enfin
Je sommeille
heureux
je suis née de cet hasard qui ne s'oublie pas car :
"Dans une histoire, il y a une larme,
la larme sèche, l'histoire reste
cicatrice ou empreinte"
fille de rouge SUR LES TRACES DE L’EXIL
Mon
histoire, celle que je porte
Gravée en
ébarbes de cœur
Empreinte de
ces douleurs amassées
De ces faims
jamais rassasiées
De ces
champs arides
De ces mines
meurtrières
De ces
châteaux en Espagne
Si souvent racontés
Secrets
enfouis puis oubliés
Séparations
accumulées
Baluchons en
guise de bannière
Des mains
dans les poches pour traverser les frontières
Un exil
perpétuel, des horizons sans cesse repoussés
Ce long
pèlerinage transmis en héritage par mes aïeux éloignés
Mes
grands-parents ont marché pour manger
Mon père a
marché pour défendre ses idées
Je suis
d’une lignée qui ne courbe pas l’échine
Qui pratique
la fierté
Qui
recommence sans cesse des bouts de vie abandonnés
Aujourd’hui,
je connais mon histoire
Celle qui
m’avait été subtilisée et à présent je sais….
Je suis de
Linares
Je suis de
Jaén
Je suis de
Baeza
Je suis de
Madrid
Je suis
de Murcia
Je suis de
Valencia
Je suis de
Gandía et même du petit Gandía
Je suis de
Marsillargues
Je suis de
Lunel et quelquefois de Lunel -Viel
Je suis
française
Je suis
espagnole
Je suis sur
la ligne indécise d’une frontière mal recousue
Je suis de
partout et de nulle part à la fois
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« Maria Luz, une lumière dans les ténèbres » 2019 - Roman Collection Amarante Edition de l’Harmattan
« Rouge Vif » 2019 - « Fille de Rouge » 2019- « Les Treize Roses et autres poèmes » 2019 -
« Poesia y Harragas » 2019 - collectif Amargord ediciones
« Anuncios X Palabras » 2017 - Ouvrage collectif Edición Baile del Sol
« Contras ante la represión » 2016 - NO + - Recueil poétique international collectif (Murcia)
« Enredado» 2016 - Edición Baile del Sol - Recueil poétique international collectif
« Empreintes de la mémoire en héritage » 2014 - Ouvrage sous forme de livre d’artiste – Edition limitée – Poèmes et estampes de différentes techniques
Publications dans diverses revues :
« revue n°8 de la revue Encre »
L’Agora, l’Etrave
« Poesia asul - caderna de poesia » ouvrage collectif international Portugal – octobre 2018
Coordination d’anthologies Les voix de l’extrême poésie et culture
« Les voix de l’extrême » 2020
Livres uniques et boites d’artiste
§ ¿porqué te vas? – Poème et Monotypes
§
Les amants du Guadalquivir - Poème et monotypes
§
Le Guadalquivir : Poème et monotype
§
L’enfant andalou ; Poème et monotype
§
La rage : libre objet : Poème – matrices
cartons – monotypes – et Gravure
§
L’exil à tout prix : poème – monotype
§
Passer le trait : poème – monotype
§
Moguer 1936 : monotypes et poème
d’Antonio Orihuela
§
Badajoz 1936 : monotypes et poème
d’Antonio Orihuela
Manuela Parra est née dans l’Hérault à Lunel, près
de Montpellier en France. Fille de l’exil, poétesse et graveuse, elle se
définit comme « Françaisespagnole » vivant sur la
ligne indécise d’une frontière mal recousue. Voulant avec d’autres intellectuels et artistes français et espagnols
« recoudre la frontière ».
Elle réalise des boites d’artistes associant
des gravures et des poèmes dont une, est exposée à la Fondation Machado à
Collioure.
Elle associe l’histoire et la poésie sous le
thème « Répression exode exil d’hier et d’aujourd’hui ».
A la demande de la Région Occitanie, elle
lance une action de collecte mémorielle filmée sur l’histoire de ces femmes en
exil. Elle organise des deuxièmes rencontres franco-espagnoles consacrées aux
femmes espagnoles en résistance, femmes libres et engagées ». 25
partenaires et 650 personnes participent à cette rencontre.
La deuxièmes anthologie 2021 « Femmes libres »
a réuni 31 poètes, poétesses, artistes, peintres français et espagnols dans le
cadre du printemps des poètes dédié cet année aux Désirs. Ce livre réunit 31
poètes et artistes peintres.
La troisième anthologie poétique
internationale toujours au moment du Printemps des poètes dédié à l’éphémère
sera publiée en mars 2022. Ce projet réunit 26 poètes de différentes
nationalités.
Manuela Parra fait partie de la Maison de la poésie Jean Joubert de Montpellier, de la Fondation Antonio Machado, de la Fondation Juan Ramon Jimenez.
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