BADAJOZ 1936/2020[1]
La mort diffracte la peine,
comprime les
soupirs,
efface la torture.
Plus un souffle d’horreur
ne traverse les rues.
Aucune mémoire n’est
gravée sur les stèles de guerre.
La pierre devient lisse
sur les murs de la ville.
Les arbres muets sous
l’emprise du vent ne portent plus l’écho
des cris, des pleurs, du
bruit saccadé des balles tirées
en soubresauts
harmoniques.
Badajoz
au soir
Badajoz
à midi
Badajoz
la nuit
Badajoz vidée de ses
plaintes efface ses arènes,
celles de la souffrance
devenue éphémère
A la place…
Un palais des congrès
vitré,
palais des glaces inanimé
aux miroirs sans tain
voilés d’inconscience.
Un musée du carnaval du
rire,
carnaval de la ville
travestie
pour une réconciliation
cynique de pantins masqués,
déguisés de joie d’oubli
et d’ignorance…
Des pelouses vertes, des
bancs de pierres sèches,
bien alignés comme
autrefois les soldats armés.
Il reste
un arc de cercle évocateur ?
Peut-être
des martyrs
silencieux ?
Peut-être
mes mots et mes
larmes ?
Jusqu’à quand ?
Dans les rues, sur les
places,
rien ne trouble les yeux
des vivants
fixés sur les écrans
éclairés.
Des vivants devenus
borgnes de leur histoire.
Des vivants sans mémoire,
dans le vide,
la vie tronquée,
l’envers des décors,
habitants de l’espace entre-deux
sans être dans l’empire du milieu
car il n’y a plus d’empire, ni de milieu.
Des vivants circulant sur les corps oubliés,
les uns sur les autres empilés comme des cubes
aux images décalées,
aux parois disjointes
aux ensembles déstructurés,
reproductions de gueules cassées
de Blanche Neige détraquée,
de 7 nains éparpillés.
Des vivants automates dans le calme de la ville,
reliés par des cris ou des sourires,
ou par des ondes
ou par des sons de cloches à heures dites.
Des bruits de ville ?
Des bruits de vies ?
Non
Une différence entre deux silences
À Badajoz l’amnésique.
MANUELA PARRA gravures et poèmes
[1] Les arènes Badajoz restent un symbole de la répression
franquiste. En 1936, 4200 habitants y furent fusillés par l’armée rebelle de
Franco. Massacre totalement effacé par l’histoire réécrite sous la répression
en Espagne. Puis, les arènes furent démolies durant
la période dite de « réconciliation »
Commentaires
Enregistrer un commentaire