Prix du Livre Pyrénéen - Binaros 2024
Manuela Parra
2024, Chèvre-feuille étoilé, 114 p.
"Si la liberté a un sens, elle signifie le droit de dire aux
autres ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre" écrivait G. Orwell dans La ferme des
animaux, en 1945.
Ce recueil de témoignages féminins évoque les traumatismes que
ressentirent les femmes qui partirent principalement d’Espagne pour rejoindre
la France, pour des raisons économiques ou politiques.
Elles ne quittaient pas ou n’abandonnaient pas leurs familles proches,
leurs amis et leur environnement quotidien où elles avaient vécu leur enfance,
leur adolescence et leur début de vie de femmes. Non, elles s’arrachaient,
douloureusement, brutalement, violemment et contre leur gré, à ce qui avait
été, jusque-là, leur vie de toujours, pour ne jamais y revenir, sans savoir
qu’elles allaient perdre leur dignité humaine en devenant, Outre-Pyrénées, en
France, une main-d’œuvre dénigrée, méprisée, soumise et à bas prix. Mais que
faire quand on a le ventre vide, sinon d’accepter son statut forcément docile
d’immigrée ?
Qui d’entre nous, en se mettant à leur place, avec beaucoup d’empathie
et à condition de totalement l’imaginer et l’intellectualiser, pourrait
physiquement et affectivement le supporter ?
Il s’agit, vous l’avez compris, d’immigration. Ce phénomène, dont pour
la plupart d’entre nous, ici en France, sommes issus. Ce grand enrichissement
individuel et collectif qui nous a apporté, entre autres : paellas, pizzas,
couscous, bacalhaus et kebabs. Nos estomacs qui ont, heureusement, la
reconnaissance du ventre, y pensent volontiers… Si certains, trop
nombreux, prônent de façon primitive et tribale l’ennemi-gration, à la lecture,
nous voyons et entendons l’ami-gration. C’est bien
connu mais il est bon de le rappeler : le métissage, c’est plus
sage !
L’une des qualités essentielles de ces témoignages se lit dans la
pudeur et la retenue des personnes qui
nous livrent leurs émotions, par le biais sensible et fragile de leurs
souvenirs. Ce livre n’est pas un pavé, dense et lourd. En effet, il a le poids
d’une dentelle artisanale d’Alençon ou de Calais. Il en a également la finesse
et la subtilité.
Mozart déclarait : « La musique ne se trouve pas dans les
notes mais dans le silence entre les deux ». Manuela Parra, par la
tendresse et la délicatesse de son style d’écriture, laisse dans ce petit bijou
de littérature, respirer le silence des non-dits.
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